Face à un marché de l’investissement dans le retail en berne à travers l’Europe, les Champs-Élysées tirent la France vers le haut avec une progression de 57 % des fonds engagés au premier semestre selon BNP Paribas Real Estate – alors que les historiques locomotives allemandes et britanniques accusent des baisses de respectivement 16 et 10 %. Comme nous l’évoquions à l’ouverture du Mapic le mois dernier, la première partie de l’année française doit principalement son salut à l’acquisition par le fonds de pension allemand BVK, accompagné par Hines France, de l’Apple Store du 114 Champs-Élysées, suite à une remarquable sortie du groupe de luxe EPI. Le second semestre, quant à lui, a aussi eu le droit à sa prestigieuse transaction sur la célèbre artère commerciale, grâce à Norges Bank Real Estate Management qui a mis la main sur le futur Nike du 79 Champs-Élysées, cédé en pleine restructuration par Groupama Immobilier (lire ci-dessous nos articles dédiés).
Pair ou impair ? Du simple au double sur les valeurs
En début d’année, Hines France a donc signé pour BVK l’implantation de l’Apple Store et les bureaux du siège d’Apple France pour 600 M€, soit une valeur métrique de plus de 100 000 €/m2. Ce montant mélange à la fois l’espace de vente de 2 968 mètres carrés, et la partie tertiaire dans les derniers étages de 2 563 mètres carrés. Pour se financer, l’investisseur allemand a fait appel à un compatriote, puisque c’est Allianz Real Estate qui a apporté une dette senior de 300 M€ à taux fixe sur 15 ans. Norges Bank REM n'a toutefois pas utilisé de levier pour s'offrir le futur Nike des Champs-Élysées, en payant cash les 613 M€ nécessaires. Le fonds souverain norvégien valorise ainsi l’immeuble quelque 60 000 €/m2, un montant qui est lui aussi lissé entre les espaces commerciaux de 7 200 mètres carrés, et les bureaux de 3 100 mètres carrés. La différence du prix au mètre carré peut en partie s’expliquer par la situation des deux adresses, Apple ayant signé son bail du côté pair et ensoleillé – qui attire la majorité des visiteurs –, et Nike du côté impair qui draine moins de potentiels clients.
Deux locataires américains et des taux au plancher
À valorisation plus élevée, loyer bien plus conséquent. Pour occuper son actif de 5 500 mètres carrés, Apple France débourse chaque année la bagatelle de près de 15 M€ (2 727 €/m2/an lissés), une goutte d’eau face au chiffre d’affaires que les Apple Store sont en capacité de générer. Un spécialiste du secteur avançait même des revenus de 52 500 €/m2 pour chaque boutique à la pomme, soit plus de 155 M€ générés par an pour le 114 Champs-Élysées qui, on l’imagine, peut aisément dépasser ces valeurs du fait de son emplacement premium et de sa qualité de flagship. De son côté, Nike va débourser 16,8 M€ (1 631 €/m2/an lissés) à l’année pour son implantation du numéro 79, où sa surface de vente de 7 200 mètres carrés compte parmi les plus importantes de l’avenue. Mais le revers de la médaille pour les propriétaires se ressent sur les taux de rendement, qui atteignent des valeurs planchers. Avec l’Apple Store, BVK obtient un retour sur investissement de 2,5 %, et il est à peine plus élevé à 2,7 % pour Norges Bank et son investissement ciblant le Nike. Mais est-ce vraiment le but recherché par ces grands investisseurs européens, à l’affût d’un placement long terme dans la pierre, qui plus est en ciblant des adresses de prestige ? Rien n’est moins sûr.
Les luxueuses rénovations de bâtiments historiques
Situés de part et d’autre de l’avenue George V perpendiculaire aux Champs-Élysées, les numéros 79 et 114 prennent place au cœur du très luxueux Triangle d’Or parisien. Cet emplacement de choix sous-entend la présence d’immeubles de très grande qualité, à l’instar des nouveaux Apple Store et Nike. C’est le cabinet d’architecture Foster & Partners qui a dessiné le flagship de la firme dirigée par Tim Cook, en prenant soin de restaurer et d’intégrer les éléments historiques dans le nouvel ensemble au design contemporain. Un kaléidoscope géant de pyramides recouvre la cour intérieure, alors qu’un imposant escalier d’origine en bois et marbre mène aux étages supérieurs. L’escalier est également un atout majeur du futur Nike, qui intègre un double révolution (modèle similaire à Chambord, ndlr) en pierre et fer forgé. Imaginée par l’agence Valode & Pistre, la rénovation du 79, doté d’un hall d’accueil monumental, intègre également une terrasse végétalisée sur le toit, d’où l’Apple Store est visible.