Alors que de nombreux acteurs des énergies renouvelables (EnR) se sont adossés à des fonds d'investissement privés ces derniers mois, à l'image d'Amarenco, CVE ou encore TSE, de nombreux développeurs historiques résistent encore et toujours aux investisseurs. Farouchement indépendant depuis sa création il y a plus de vingt ans, JP Energie Environnement (JPee) choisit aujourd'hui une troisième voie, en ouvrant son capital à l'un de ses partenaires de longue date : la Banque des Territoires. L'opération est rare pour l'institution publique, qui intervient très majoritairement directement dans les projets des développeurs, laissant le soin à Bpifrance de prendre des participations au capital. « Nous avions été actionnaire de Valeco et Aalto Power par le passé, mais nous sommes sortis il y a environ cinq ans », rappelle Cédric Desmedt, directeur adjoint de la transition énergétique et écologique de la Banque des Territoires, qui précise que « l'opération d’investir au capital d’un développeur restera exceptionnel, la doctrine d’investissement de la Banque des Territoires étant plutôt d’investir au travers de grands partenariats de type asset co » - avec une bonne quinzaine de partenariats constitués sur le même mode que celui qui prévalait avec JPee. La Banque des Territoires investit annuellement environ 300 à 400 M€ de fonds propres chaque année dans les EnR.
Une relation de longue date
La relation entre les deux acteurs remonte à 2010, lorsque l'entreprise normande lancée en 2004 décroche le parc éolien du Moulin d’Emanville (57 MW), dans l'Eure-et-Loire. « Cela représentait 80 M€ d'investissement pour 17 éoliennes, et un doublement de notre capacité existante », se remémore Xavier Nass, directeur général de JPee, qui fait alors entrer l'ancienne mouture de la Banque des Territoires au capital de la SPV. Un portefeuille de projets d'environ 100 MW dans la région bordelaise voit les deux acteurs renouveler leur partenariat, jusqu'à prendre la décision, en 2019, de systématiser l'entrée à 49 % de la Banque des Territoires au capital des SPV - futures et existantes - une fois le stade ready-to-build atteint. « Ce modèle nous allégeait nos besoins en fonds propres, mais ne répondait ni au phénomène d'accélération des projets, ni à la hausse des coûts et des taux d'intérêts, qui font que l'apport de fonds propres est plus important aujourd'hui », détaille le dirigeant, qui a vu son gearing passé de 9-10 % à près de 15-20 % aujourd'hui, tant sur le solaire que l'éolien. L'opération du jour voit cette alliance de longue date prendre une nouvelle forme avec l'entrée de l'institution publique au capital du caennais : selon nos informations, la Banque des Territoires récupère 34 % des parts via une injection de fonds propres d'environ 100 M€ et l'apport de ses participations dans les divers sites de JPee, qui reprend le contrôle intégral de sa trentaine de SPV - le développeur n'ayant jamais cédé d'actif.
2 GW d'ici 2030
Affichant aujourd'hui 70 M€ de chiffre d'affaires pour 140 collaborateurs, JPee ambitionne désormais d'atteindre 1 GW de projets en exploitation en 2026, puis 2 GW à l'horizon 2030. A date, le normand possède 432 MW de puissance installée, équitablement répartis entre 14 parcs éoliens terrestres et 64 centrales photovoltaïques, et détient un pipeline en développement de 2 GW (1,3 GW de solaire et 700 MW d'éolien terrestre), dont 190 MW en construction et 100 MW autorisés. Cette croissance devrait se faire majoritairement de façon organique, « les valorisations restant très élevées pour une qualité qui n'est parfois pas au rendez-vous », remarque Xavier Nass, qui n'exclut cependant pas des acquisitions opportunistes, tout en continuant à se structurer en interne autour des sujets agrivoltaïques. « Nous allons également nous appuyer sur de nouveaux créneaux de développement, avec notamment le lancement d'une activité dédiée aux projets d'autoconsommation individuelle », indique le dirigeant, qui agira ici en tant que développeur et exploitant pour des industriels disposant d'une surface en toiture, au sol ou en ombrière. Environ 10 MW de projets sont déjà en portefeuille, avec de premiers chantiers prévus au troisième trimestre. Ce développement pousse JPee à renforcer ses équipes : une quinzaine de recrutements est en cours - notamment en exploitation-maintenance - avec pour objectif d'atteindre 180 collaborateurs en 2026, puis 260 en 2030. De nouvelles agences devraient également voir le jour dans la partie Est de l'Hexagone.