Nul ne sait, ni ne prétend désormais avancer un montant de volumes investis pour le premier semestre 2020 en immobilier d’entreprise, ni même pour l’ensemble de l’année. La crise sanitaire inédite dans laquelle le monde est entré a mis un coup d’arrêt inattendu aux signing en cours et ce, pour une durée indéterminée. S’il ne faut à coup sûr plus compter sur le deuxième trimestre pour porter les volumes du marché, il convient de rappeler que le premier trimestre avait déjà vu un nombre important d’opérations se finaliser. Selon les données de CFNEWS IMMO, toutes typologies d’actifs confondus, plus de 8 Md€ ont été signés sur le marché français depuis le début d'année, dont plus de 3 Md€ pour le seul bureau francilien et plus de 2 Md€ pour le retail. Parmi ces opérations, quatre ont une valorisation supérieure à 500 M€ : sur le marché des bureaux, l’acquisition du futur siège zéro carbone d’Engie par Swiss Life AM (1 Md€) et celle du 14 Bergère par LaSalle IM (+ de 550 M€) ; sur le marché du retail, le portefeuille de cinq centres commerciaux cédé par Unibail-Rodamco-Westfield (+ de 2 Md€) à Crédit Agricole Assurances et La Française (54,2 %) ; enfin, dans la logistique, la finalisation du portefeuille BentallGreenOak par le consortium mené par Patrizia, avec PFA Pension et POBA (≈ 600 M€). Précisons que la plupart des opérations finalisées au premier trimestre avaient été initiées en 2019.
Éventuelle baisse des prix
Au lendemain de l’annonce du confinement de nombreux pays dans le monde et de mesures de distanciations sociales qui devraient s’étendre au-delà de deux semaines, plusieurs professionnels de l’immobilier ont pris leur plume pour, non pas rassurer le marché - personne ne le peut à ce stade - mais rappeler les fondamentaux de l’immobilier d’entreprise. « Il s’ancre dans le temps long avec une visibilité sur les flux liés à des baux à 3, 6, 9, 12 ans plus ou moins fermes. Quant aux délais de transactions, ils sont aussi assez longs : une inertie qui sera naturellement protectrice dès lors que la crise est suffisamment courte, explique David Seksig, directeur général de Novaxia Investissement. Avec un taux de vacance particulièrement bas de 5 % sur le marché du bureau francilien et des actifs en construction qui représentent de l’ordre de 4 % du parc installé, on ne peut pas parler d’un marché déséquilibré. Ce paramètre, couplé aux nombreuses liquidités présentes dans le marché (que les banques centrales ne manqueront pas d’abonder), l’actif immobilier ne devrait pas être boudé, bien au contraire selon nous. Alors certes, l’immobilier apparaît cher aujourd’hui en données absolues, mais sa rémunération relative par rapport aux taux sans risque est en réalité au plus haut depuis dix ans. Cela laisse de la place pour une éventuelle baisse des prix de l’immobilier que nous promettent les Cassandre depuis plusieurs années. »
Deux sujets de risque
Reste deux sujets de risque. En premier lieu, le robinet bancaire. Fragilisées par la crise, les banques pourraient réduire leurs volumes de prêts, ce qui « obligerait les investisseurs immobiliers à diminuer l’effet de levier, ce qui diminuerait les liquidités disponibles, et impacterait évidemment les retours sur investissement ». Deuxième risque : les défaillances d’entreprises. « Si elles se multipliaient, l’impact sur l’équilibre entre offre et demande d’immobilier serait direct. » Quelles stratégies commencer à anticiper ? Faut-il, comme le fonds de pension allemand BVK, mettre temporairement en pause ses investissements, en attendant de savoir vers quelles directions les orienter lorsque la situation se rétablira ? Certains, à l’instar de David Seksig ou de Daniel While, directeur de la recherche & la stratégie chez Primonial REIM, revendiquent des segments mieux à même de supporter la crise : « Les activités peu cycliques dont le chiffre d’affaires est plus récurrent, subiront un choc opérationnel plutôt que financier : bureaux core, immobilier de santé. Loués à des grandes entreprises ou des grands opérateurs, ces biens ne devraient pas voir leurs performances remises en cause au niveau de leur capacité à délivrer un revenu récurrent », assure Daniel While. En termes de stratégies, celles de la diversification, tant sectorielle que géographique, pour éviter de s’exposer trop fortement à des secteurs directement impactés. Parmi eux, les « activités cycliques dont le chiffre d’affaires est fortement variable : commerces jugés "non indispensables", hôtellerie de tourisme et hôtellerie d’affaires. Elles subissent le choc de plein fouet. On doit également ranger dans cette catégorie les bureaux et locaux d’activités loués aux PME ».